La Haute Technologie à la Rencontre de la Tradition.

Bon nombre de PME suisses sont des joyaux de haute technologie.  Après avoir confirmé leur potentiel en Suisse, elles déploient souvent leurs activités en Europe, aux Etats-Unis, le plus souvent avec succès.

Puis, elles s’intéressent au marché japonais.  Ce faisant, elles cherchent souvent à répliquer les méthodes adoptées sur d’autres marchés, et souvent doivent déchanter devant des obstacles inattendus.  Pour être également prospère au Japon, il conviendra de comprendre les particularités du marché japonais, issu d’une culture et d’une organisation sociale marquées par une forte tradition.  Les priorités sont perçues souvent différemment que dans nos cultures occidentales.  Alors que sur les marchés occidentaux, le rapport qualité-prix d’un produit sera souvent la seule référence, le dirigeant d’entreprise japonaise a d’autres priorités : la satisfaction du client, suivie de celle de ses propres employés.

Tout au long de son histoire et encore aujourd’hui, le Japon a été et est organisé verticalement.  De nos jours, l’administration du pays placée au haut de l’échelle sociale gouverne et supervise les acteurs du secteur privé avec un large pouvoir discrétionnaire.  Dans l’entreprise, la hiérarchie est strictement respectée, marquée par exemple dans la façon d’appeler les cadres par leurs titres plutôt que par leurs noms.

Entre partenaires commerciaux, la société cliente sera traitée par le fournisseur avec toute la diligence requise pour lui donner entière satisfaction.  Les contacts humains démontrant une attention personnalisée sont souvent plus déterminants que le produit lui-même.  Il n’est pas rare par exemple que le fournisseur assure pour un client régulier le service après-vente gratuitement après l’expiration de la période de garantie.  Ceci n’empêchera pas cette même société d’adopter un comportement intransigeant envers son propre fournisseur.  

A titre d’exemple, un équipementier japonais a récemment fait développer et produire un nouveau produit de haute technologie par son fournisseur suisse, en exigeant une qualité irréprochable, puisqu’il devait lui-même l’assurer à ses clients.  A cause d’un taux de défectuosité de moins de 1%, cet équipementier a menacé le fournisseur de lui faire supporter les coûts d’un rappel de tous les produits déjà vendus et installés. Ce n’est qu’en travaillant d’arrache-pied que la PME suisse a convaincu l’équipementier de faire preuve de mansuétude en ne mettant pas sa menace à exécution.

Le tissu social est fait de rapports de dépendance verticaux entre plus petits par rapport au plus grands, plus jeunes par rapport aux plus vieux, débutants par rapport aux plus expérimentés.  Les rapports d’égal à égal sont l’exception.

C’est dans ces rapports de force que les entreprises gèrent leurs ressources pour faire face à la compétition.  L’apparition de produits de haute technologie en avance sur la concurrence sera l’objet d’une attention toute particulière du marché et des rivaux potentiels, d’autant plus s’il s’agit d’un produit développé à l’étranger.  Avant de le lancer au Japon, la PME suisse devra s’assurer, tant que faire se peut, que son produit est meilleur que celui de la concurrence.  Non seulement les sociétés japonaises cherchent à préserver leur centre de recherches et développement contre toute ingérence extérieure, mais elles font un usage systématique de la protection de leurs inventions, parfois aux caractères inventifs douteux, par le dépôt de brevets.

Il en va d’ailleurs de même pour les marques de fabrique.  Surtout pour les produits de consommation, il est important de protéger sa marque en l’enregistrant au Bureau des Brevets avant qu’un concurrent ne le fasse à son nom.

Pour se tenir au courant des faits et gestes de ses concurrents, il n’est pas rare que les acteurs d’un même secteur se rassemblent en formant une association professionnelle qui établit ses propres règles de gouvernance sous la supervision des autorités administratives, tout en permettant de connaître tout nouveau venu.

Pour la PME suisse qui cherche à développer ses affaires au Japon, il est donc important de planifier son approche sur le long terme. Dans cette optique, même si la pénétration du marché par le biais d’un distributeur local semble plus attrayante, le jour où la PME suisse décidera de créer sa propre filiale pour reprendre la vente de ses produits, il lui faudra convaincre le distributeur de lui céder son réseau, ce qui peut s’avérer très compliqué et coûteux vu l’importance des relations personnelles tissées au gré des années par le distributeur en relation avec le produit de la PME en question.

En tout état de cause, il est important pour la PME suisse de ne pas tomber sous la dépendance de son distributeur, par exemple en concluant un contrat de distribution exclusive, car le détenteur de haute technologie fabriquant ses produits en Suisse risque de devenir dépendant, avec tout ce que cela comporte dans la tradition japonaise, de son distributeur.  Nous avons récemment eu à traiter d’un distributeur exclusif japonais qui est sur le point d’inverser le rapport de dépendance vis-à-vis de son fournisseur suisse en déposant de nombreux brevets au Japon pour des inventions dérivées des inventions de ce fabricant suisse.

Un autre aspect à ne pas négliger vu la concurrence intense caractérisant le marché japonais est l’importance du marketing.  Il est souvent perçu en Suisse que les performances et la qualité d’un produit de haute technologie parlent d’elles-mêmes et que faire en plus des efforts de marketing est quelque peu superflu.  Au Japon au contraire, il est primordial d’adopter une stratégie de marketing efficace et bien adaptée au produit en question, ne serait-ce que pour couvrir ce grand marché de 120 millions d’habitants.

Plusieurs sociétés suisses ont développé des affaires florissantes au Japon en intégrant les quelques principes décrits plus haut.  Les débuts ont été parfois laborieux, avec des exercices déficitaires sur plusieurs années, mais une fois imprégnées de l’environnement local, ces filiales de PME suisses sont autant de « Success Stories » dans les domaines de hautes technologies que sont par exemple les machines-outils, les semi-conducteurs, les produits de synthèse et la haute technologie médicale.